Le testament : une réelle liberté d’organiser sa succession ?

Ouvrir la boîte noire des rapports familiaux n’est jamais aisé. L’affaire très médiatisée de la succession du chanteur Johnny Hallyday atteste de la réelle difficulté juridique que représente la répartition des biens au décès d’une personne.

Si déshériter ses enfants et léguer toute sa fortune à son épouse est effectivement une décision réalisable dans certains systèmes juridiques comme aux États-Unis, le droit luxembourgeois, quant à lui, réserve à certains héritiers, comme les enfants, un droit infaillible à succéder au défunt (de cujus).

La question de la succession des biens est donc souvent, pour ne pas dire toujours, un sujet délicat, quand bien même chacun est libre d’organiser sa succession comme il l’entend. La solution la plus efficace pour ce faire est la rédaction d’un testament, acte juridique unilatéral par lequel le testateur exprime ses dernières volontés quant au devenir de ses biens à sa mort. Par ce procédé, ce dernier s’assure du respect de sa volonté post mortem.

Le testament peut être olographe, authentique ou mystique :

-le testament olographe est celui qui est écrit entièrement de la main de son auteur (le testateur), qu’il date et signe lui-même. Simple et n’occasionnant pas de frais, ce testament peut être révoqué à tout moment par le testateur. Il faut néanmoins s’assurer de ce que l’existence de ce testament soit connue, en informant par exemple une personne de confiance ou en le mettant en dépôt chez un avocat ou un notaire ;

-le testament authentique, encore appelé testament par acte public est dicté par l’intéressé. Il est rédigé en un seul tenant par un notaire et signé par ce dernier, ce en présence de deux témoins ou d’un deuxième notaire ;

-le testament mystique, ou testament secret, est quant à lui un acte écrit par le testateur ou par une personne qu’il aura désignée, présenté clos et scellé devant témoins à un notaire. Une personne ne sachant pas écrire pourra dès lors recourir à un tel testament. Quelle que soit la forme choisie du testament, le testateur doit en tout état de cause respecter les droits des héritiers réservataires, c'est-à-dire de ses enfants, lesquels bénéficient en effet d’une part légalement déterminée dans la succession. Le testament peut toujours être révoqué ou modifié par son auteur. Il peut également être annulé par ses héritiers. Ainsi, si la forme du testament telle que prescrite par la loi n’est pas respectée par le testateur, tout héritier pourra s’en prévaloir pour exercer un recours en nullité dudit testament.

Un tel recours peut également être exercé par les héritiers réservataires, lorsque leurs droits n’ont pas été respectés.

Dans cette hypothèse il est néanmoins possible au testateur de démontrer que ses héritiers réservataires sont indignes de lui succéder. La question se pose alors de savoir dans quel cas un héritier réservataire est indigne de succéder. Le concept d’indignité renvoie à l’impossibilité pour un héritier de succéder s’il a été condamné pour avoir donné ou tenté de donner la mort au de cujus, ou s’il a porté à son encontre de graves accusations. On ne saurait faire profiter les héritiers des biens du de cujus si ceux-ci lui ont causé un tort d’une particulière gravité. Il faut noter que la jurisprudence fait une interprétation stricte du concept d’indignité. Elle ne l’élargit par exemple pas au conjoint meurtrier de l’héritier.

L’héritier peut encore contester la validité du testament en se fondant sur l’insanité d’esprit médicalement prouvée du testateur, ou s’il démontre que le consentement de ce dernier a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence. Le testateur doit en effet, bien évidemment, avoir dressé ou fait dresser son testament en toute connaissance de cause, sans quelque pression extérieure physique ou morale. La jurisprudence considère qu’il n’est pas nécessaire, pour qu’il y ait nullité du testament que la pression extérieure émane du légataire lui-même, celle-ci pouvant au contraire émaner d’une tierce personne.

Si la liberté de décider de notre succession prévaut en droit luxembourgeois, cette liberté demeure limitée par la loi dans l’intérêt du testateur et de ses héritiers.

Qu’en est-il cependant à défaut de testament ? Dans cette hypothèse, le patrimoine du de cujus est partagé selon les règles prévues par la loi.